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des yeux , en fait de spectacle , est infiniment plus redoutable que celui des oreilles. Cela est si vrai que , dans les drames même , on met en récit ce qui serait peu vraisemblable en spectacle. On dit seulement qu'Hippolyte a été attaqué par un monstre et déchiré par ses chevaux , parce que , si on eût voulu représenter cet événement plutôt que le raconter, il y aurait eu une infinité de petites circonstances qui auraient trahi l'art et changé la pitié en risée. Le précepte d'Horace y est formel ; et quand Horace ne l'aurait point dit , le raison ie dit assez.

On y exige encore, non-seulement que l'action soit une , mais qu'elle se passe toute en un même jour, en un même lieu. La raison de tout cela est dans l'imitation. Comme toute l'action se passe en un lieu , ce lieu doit être convenable à la qualité des acteurs. Si ce sont des bergers , la scène est un paysage ; celle des rois est un palais : ainsi du reste. Pourvu qu'on conserve le caractère du lieu , il est permis de l'embellir de toutes les richesses de l'art ; les couleurs et la perspective en font toute la dépense : cependant il faut que les mœurs des acteurs soient peintes dans la même scène , qu'il y ait une juste proportion entre la demeure et le maître qui l'habite , qu'on y remarque les usages des temps , des pays , des nations. Un Amé- ricain ne doit être ni vêtu ni logé comme un Français , ni un Français comme un ancien Ro- main , ni même comme un Espagnol moderne. Si

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