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Hassan.

Tu es Français ! bonnes gens que les Français ! ils ne haïssent personne. Tu es Français, mon ami ! il suffit, c’est toi qu’il faut que je délivre.

André.

Généreux musulman, si c’est un Français que vous voulez délivrer, choisissez quelqu’autre que moi. Je n’ai ni père, ni mère, ni femme, ni enfans ; j’ai l’habitude du malheur : ce n’est pas moi qui suis le plus à plaindre. Délivrez mon pauvre maître.

Hassan.

Ton maître ! qu’est-ce que j’entends ? Quelle générosité ! Quoi !… Ces Français… Mais est-ce qu’ils sont tous comme cela ?… Et où est-il ton maître ?

André, lui montrant Dornal.

Le voilà ; il est abîmé dans sa douleur.

Hassan.

Qu’il parle donc ! Il se cache, il détourne la vue, il garde le silence. (Hassan avance, le considère malgré lui.) Que vois-je ! est-il possible ! je ne me trompe pas. C’est lui, c’est lui-même ; c’est mon libérateur ! (Il l’embrasse avec transport.)

Dornal.

Ô bonheur ! ô rencontre imprévue !

Kaled.

Comme ils s’embrassent ! Il l’aime ; bon ! il le paiera.

Hassan.

Je n’en reviens point. Mon ami ! mon bienfaiteur !