Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t4.djvu/372

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Kaled.

Excuse de fripon ! des fortunes ! vraiment oui, des fortunes ! ne croit-il pas que tout est profit ? et les mauvais marchés qui me ruinent ? N’ont-ils pas cent métiers où l’on ne comprend rien ? Et quand j’ai acheté ce baron allemand dont je n’ai jamais pu me défaire, et qui est encore là-dedans à manger mon pain ! et ce riche Anglais qui voyageait pour son spleen, dont j’ai refusé cinq cents sequins, et qui s’est tué le lendemain à ma vue, et m’a emporté mon argent ! cela ne fait-il pas saigner le cœur ? Et ce docteur, comme on l’appelait, croyez-vous qu’on gagne là-dessus ? Et à la dernière foire de Tunis, n’ai-je pas eu la bêtise d’acheter un procureur, et trois abbés, que je n’ai pas seulement daigné exposer sur la place, et qui sont encore chez moi avec le baron allemand !

Nébi.

Maudit infidèle ! tu crois m’en imposer par des clameurs ? mais le cadi me fera justice.

Kaled.

Je ne vous crains pas ; le cadi est un homme juste, intelligent, qui soutient le commerce, qui sait très-bien que celui des esclaves va tomber, parce que tous ces gens-là valent moins de jour en jour.

Nébi.

Ah çà ! une fois, deux fois, voulez-vous reprendre votre médecin ?

Kaled.

Non, ma foi.