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sanglans, a renversés aux genoux de leurs fils ;
la voix des fils encor qui, près du trône assis,
n’ont point devant ce trône assez courbé la tête.
Il le sait : d’où vient donc que nul frein ne l’arrête ?
Sans doute mieux qu’un autre il connaît son pouvoir ;
de l’empire, en effet, il est l’unique espoir.
Eh ! Qui d’un peuple ingrat n’a vu cent fois l’ivresse
oser à vos vieux ans égaler sa jeunesse,
et d’un héros, l’honneur des sultans, des guerriers,
devant un fier soldat abaisser les lauriers ?
Qui peut vous rassurer contre tant d’insolence ?
Est-ce un camp qui frémit aux portes de Byzance ?
Un peuple de mutins, d’esclaves factieux,
de leur maître indigné tyrans capricieux ?
Ah ! Seigneur, est-ce ainsi (je vous cite à vous-même)
que, rassurant Sélim, dans un péril extrême,
vous vîntes dans ses mains ici vous déposer,
quand ces mêmes soldats, ardens à tout oser,
pour vous, malgré vous seul, pleins d’un zèle unanime,
rebelles, prononçaient votre nom dans leur crime ?
On vous vit accourir, seul, désarmé, soumis,
plein d’un noble courroux contre ses ennemis,
et tombant à ses pieds, ôtage volontaire,
échapper au malheur de détrôner un père.
Tel était le devoir d’un fils plus soupçonné,
et votre exemple au moins l’a déjà condamné.


SOLIMAN.


Ce qu’a fait Soliman, Soliman dut le faire.
Celui qui fut bon fils doit être aussi bon père,
et quand vous rappelez ces preuves de ma foi,
votre voix m’avertit d’être digne de moi.