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DE CIIAMFORT. I7

nœud ; car il est plus aisé de faire oublier le poète et le narrateur, quand on vient à brouiller diffé- rens intérêts et à nouer le jeu de divers person- nages, que quand on veut mettre les spectateurs au fait d'une action, sans qu'ils s'aperçoivent qu'on ait eu dessein de le faire.

Le nœud est cependant la partie !a plus consi- dérable de la tragédie ; c'est ce qui lui donne cette espèce de vie q^ui l'anime, aussi bien que le poème épique. Les poètes grecs , pleins du génie d'IIo- anère, y trouvèrent, sans contredit, ce balance- ment de raisons, de mouvemens , d'intérêts et de passions, qui tient les esprits suspendus et qui pique jusqu'à la fin la curiosité des auditeurs.

Sur ce principe , l'art de varier à l'infini les mouvemens de la balance du théâtre, se présente de soi-même à l'esprit. Deux ou trois incidens suffisent pour produire de grands effets , sans en- tasser, comme on fait souvent, un nombre pro- digieux de machines qui marquent plus la disette que la fécondité. Un outrage vengé , dans le Cid^ a enfanté seul ce chef-d'œuvre d'intrigue, qr.e le public révolté, comme dit Bespréaux , s'est obs- tiné à toujours admirer , maigre une cabale puis- sante, des raisonnemens spécieux lit quantité de visibles défauts.

Le goût, aidé du bon sens et de l'exemple d'Iîo-

mère, est la plus sûre règle pour faire croître le

trouble de scène en scène et d'acte en acte, INIais

la beauté des intrigues dépend du choix des ac-

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