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un visir qui le brave est bientôt votre gendre.
D’Ibrahim qu’il aimait il veut venger la cendre.
Successeur d’Ibrahim, je puis prévoir mon sort.
S’il vit, je dois trembler ; s’il règne, je suis mort.
Jugez sur ses destins quel intérêt m’éclaire.
Perdez votre ennemi, mais redoutez son frère ;
par des nœuds éternels ils sont unis tous deux.


ROXELANE.


Zéangir ! … ciel ! Mon fils ! … il trahirait
mes vœux !
Ah ! S’il était possible… oui, malgré ma
tendresse…
je suis mère, il le sait, mais mère sans faiblesse.
Ses frivoles douleurs ne pourraient m’alarmer,
et mon cœur en l’aimant sait comme il faut l’aimer.


OSMAN.


Il est d’autres périls dont je dois vous instruire :
je crains que, dans ces lieux, cette jeune Azémire
n’ouvre à l’amour enfin le cœur de votre fils.


ROXELANE.


J’ai mes desseins, Osman. Captive dans Tauris,
je la fis demander au vainqueur de son père :
la fille de Thamas peut m’être nécessaire.
Vous saurez mes projets, quand il en sera temps.
Allez, j’attends mon fils ; profitez des instans ;
assiégez mon époux. Sultane et belle-mère,
jusqu’au moment fatal je dois ici me taire :
parlez : de ses soupçons nourrissez la fureur :
c’est par eux qu’en secret j’ai détruit dans son
cœur
ce fameux Ibrahim, cet ami de son maître,
s’il est vrai toutefois qu’un sujet puisse l’être.
Plus craint, notre ennemi sera plus odieux.
Du despotisme ici tel est le sort affreux :