Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t4.djvu/18

Cette page n’a pas encore été corrigée

ÎO OEUVRES

pour supporter les malheurs iuévilables delà vie, et pour survivre à leur iuipression trop souvent réi- térée. C'est pour cela que la philosophie a employé tant d'art à purger l'une et l'autie ( pour user du terme d'Aristote ) , à dessein de cons. rver ce qu'elles ont d'utile , en écartant ce qu'elles peuvent avoir de pernicieux.

IMais il faut convenir qu'en ceci la poésie l'em- porte infiniment sur la philosophie , dont les rai- sonnemens trop crus sont un préservatif trop faible ou un remède peu sûr contre les mauvais effets de ces passions : au l'uni que les images poétiques ont quelque chose de plus flatteur et de plus insi- nuant pour faire goûter la raison.

Ce qu'il y a de particulier et de siu'prenant en cette matière , c'est que la poésie corrige la crainte par la crainte , et la pitié par la pitié ; chose d'au- tant plus agréable que le cœur humain aime ses sentimens et ses faiblesses. Il s'imagine donc qu'on veut It s flatter ; et il se ti-ouve insensiblement guéri par le plaisir même cpi'il a pris à se séduire. Heureuse erreur dont l'effet est d'autant plus cer- tain , que le remède naît du mal même qu'on chérit !

A la vérité , la vie humaine est un grand tliéatre où l'on est spectateur de bien des malheurs de toute espèce. L'on y voit paraître tous les jours (outre l'indigence , la douleur et la mort) les désirs fougueux et les espérances trompées , les craintes désespéiantes et les soucis dévorans. Mais tout ce

�� �