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paraît pas sans fondement? Ce qui fait qu'on n'est pas blessé d'un monologue au théâtre , c'est que , quoique le personnage qui parle soit supposé seul , il y a cependant une assemblée qui nous frappe. ISous voyons des auditeurs ; et dès-lors le parleur ne nous paraît pas ridicule : ce n'est pas à eux qu'il s'adresse , mais c'est pour eux qu'il s'explique. Cette considération fait disparaître l'autre ; et parce que nous sommes bien aises d'être instruits, nous oublions que l'acteur devrait se taire.

Aujourd'hui , les monologues conservent la même mesure des vers que le reste de la tragédie ; et ce style alors est supposé le langage commun : mais Corneille en a pris quelquefois occasion de faire des odes régulières , comme dans PoUeucte et dans le Cid , où le personnage devient tout à coup un poète de profession , non-seulement par la con- trainte particulière qu'il s'impose , mais encore en s'abandonnant aux idées les plus poétiques , et méuie en affectant des refrains de ballade où il fallait toujours retomber ingénieusement.

Tout cela a eu ses admirateurs. Bien des gens sont encore charmés des stances de Poiieuctc : tant il est vrai que nous ne sommes pas si délicats sur les convenances , et que la coutume donne souvent autant de force aux fausses beautés , que la nature en peut donner aux véritables !

Qu'y a-t-il à conclure de tout ceci ? C'est q«ie les poètes ne doivent se permettre de monologues

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