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qui évitent ainsi de se déranger de leur commerce. Très-souvent je découvre des tromperies dont je préviens les acheteurs ; et souvent aussi je donne de bons conseils aux hommes des campagnes, pour qu’ils nous fournissent les marchandises qui se vendront le mieux. On peut être utile sans travailler ; et pourrais-je rendre de tels services, si j’étais occupé tout le jour à couper du bois pour chauffer mon potage ? »

Hatimthai ne répondit pas ; et, à peine rentré dans son palais, il trouva, à la porte de son sérail, la jolie Fatmé, qui l’attendait pour recevoir ses ordres ; et, dans son salon, le vif, l’ingénieux Ricca, qui était arrivé déjà pour le repas du milieu du jour ; car Fatmé, en se retirant, devait avoir, peu d’heures après, un concert et un bal avec ses compagnes ; et elle était pressée de passer à sa toilette, pour paraître toujours la plus belle.

Hatimthai pensait encore aux diverses réponses qu’il avait entendues ; il s’arrêta un moment près de Fatmé, et l’interrogea de manière à ce qu’elle lui prouvât bien vite l’utilité dont elle était dans ce monde.

« Hatimthai, lui dit-elle, il y a près d’ici une pauvre mère de famille, qui a besoin de tes secours : elle veut te vendre une parure de perles les plus fines et les plus égales ; elle est réduite à s’en défaire, et tu ne me la refuseras pas. Je te demande encore quelques-uns de ces jolis oiseaux que vend ce pauvre mollak ; et souviens-toi aussi de nos