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l’épaisseur des taillis, quand la chasse vient de son côté.

Hatimthai ne l’a jamais vu. On cherche toujours la nouveauté, avec une curiosité qui procure une émotion vive et agréable. Il veut absolument interroger ce philosophe ; et il ordonne une chasse au cerf, dont le seul objet est d’entourer et de prendre l’homme de lettres le plus sauvage du monde.

Le projet s’accomplit ; Hatimthai est en face de Saphar :

« Pourquoi ne t’ai-je jamais vu » ?

— « Parce que ni toi ni moi n’avons besoin de nous voir. »

— « Me dédaignes-tu ? »

— « Je te loue de faire le bonheur des autres. »

— « Qui t’empêche d’y prendre ta part ? »

— « Parce que ce qui fait leur bonheur, ne ferait pas le mien. »

— « Aimes-tu mieux ta vie misérable ? »

— « Sans doute. Mon père est pauvre, je ne veux recevoir de lui que peu de chose, mais ce peu me suffit. Je n’ai donc pas besoin que tu me donnes davantage. »

— « Quelle vertu, se dit Hatimthai en se retirant ! »

Avant de rentrer dans son palais, il aperçoit Gemmade, qui portait avec peine un lourd fagot sur ses épaules.

— « Pourquoi te fatigues-tu, lui dit-il, au lieu