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il l'a défendu par son éloquence et par son exem- ple ; et c'est ce qui lui avait ramené tous les en- nemis de la philosophie , ravis d'avoir à lui op- poser un croyant , un dévot tel que Rousseau. Je n'examine pas si , dans tout cela , Rousseau était bien conséquent ; on sait que ce n'était pas là son fort.

II n'est pas juste non plus de dire qu'il fut plus heureux que Voltaire dans ses principes de réédification ; car Voltaire n'a rien réédifié , si ce n'est la religion i^aturelle qu'il opposait sans cesse à toute relii^ion révélée. Quant au gouvernement, quoiqu'il n'ait jamais expressément traité cette matière , on voit qu'il avait un assez bon esprit pour connaître toutes les bases d'un gouvernement légal , et tous les vices d'un gouvernement arbi- traire ; et que, sur ce point, ses principes étaient, comme tous ceux des hommes éclairés et justes , conformes à notre déclaration des droits.

On est un peu étonné de lire, dans cette même note de M. Soulavie , que Voltaire , dans la lutte contre les préjugés , était étranger à son siècle , totalement hors de son siècle. S'il avait été hors de son siècle , il ne lui aurait pas donné le ton. L'esprit supérieur consiste à juger la marche du commun des esprits , à voir jusqu'où ils peuvent aller et jusqu'où on peut les mener. C'est ce que Voltaire entendait à merveille. Le scepticisme de Rayle , la hberté de penser sous la régence , et les hardiesses des Lettres persannes ^ lui firent

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