Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t3.djvu/385

Cette page n’a pas encore été corrigée

DE CHAMrORT. 38 I

son état et son caractère. On en jugera par ce trait. C'est son ami qui parle.

« Nous nous promenions ensemble dans la ga- lerie de Versailles ; il vit passer l'un des favoris du prince qu'il servait ; il le couvrit d'un regard de mépris, accompagné de paroles injurieuses que je pouvais seul entendre. Etonné de cette brusque sortie , je lui en demandai la raison : « ce misé- » rable , me répondit-il , n'est occupé qu'à per- » vertir les mœurs de mon prince. » Eh ! quoi , dira-t-on , les mœurs de Le Féron étaient-elles à tel point sévères ?.... Eh ! faut-il tant de sévérité pour s'indigner qu'un vieux courtisan donne à l'un des enfans du trône les premières leçons du vice , et qu'il soit doté de riches pensions pour salaire de sa coupable instruction?

L'orateur arrive au moment où la révolution ouvre à son jeune ami une carrière plus brillante. Il déploie , dans l'espace de deux ans , toutes les vertus de la liberté. 11 sauve plusieurs citoyens , prévient divers désastres , répare plusieurs cala- mités, protège ses ennemis personnels en s'expo- -.sant lui-même au danger , nourrit lui-même les familles pauvres de ceux que la sûreté publique le forçait d'emprisonner dans les premiers trou- bles.

« En voyant ces effets de la liberté sur une grande âme , on est porté à croire , dit M. Chabanon , que cette passion occupe le centre de nos affec- tions les plus belles, qu'elles y répondent , et que

�� �