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tion de tous a corrompu le jugement de tous ; où, par le renversement de toutes les idées naturelles, et par l’oubli complet de toute morale, la peinture du vice est prise naïvement pour son éloge ; enfin, où l’on accepte comme modèle présenté à l’imagination ce qui est offert au mépris et à l’indignation publiques.

S’il pouvait exister un spectacle plus affligeant et plus odieux, ce serait de voir ce même peuple, assemblé au théâtre, se réjouir et rire aux éclats de sa propre dégradation, en applaudissant sur la scène à des traits qui l’avilissent lui-même, dans la personne d’un bourgeois ou d’une bourgeoise insultés par un monsieur le comte ou une madame la marquise, dont les insolences étaient à coup sur honorées de la faveur du parterre. Des pièces entières roulent sur ce fond et sont dirigées vers ce but méprisable. Certes, on peut presque pardonner à ceux qui, méconnaissant l’influence des lumières régénératrices des empires, ont cru la révolution impossible, ou ont pensé du moins qu’on ne pouvait long-temps tenir soulevé hors de la fange un peuple qui semblait s’y complaire et s’y enfoncer avec délices. Il est à croire que, lorsque la génération actuelle aura disparu et fait place à d’autres Français, à des hommes vraiment dignes de la liberté, ces turpitudes dramatiques, bannies du théâtre qui ne pourra plus les supporter, mais conservées dans les bibliothèques, comme tant de mauvais ou-