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îivr penseur et^ piquant dans son st>le, il n'est souvent que minutieux et recherché; et au heu d'approfondir les objets, il n'en parcourt que les superficies. Montesquieu, qui aimait à cacher son génie sous un air de frivolité, a esquissé, dans sa manière rapide et vraie, les mœurs et les ridicules qui le frappaient, et il a toujours mêlé la plaisan- terie à des vues grandes et à des maximes pleines de sagesse. Voltaire , en étendant son empire sur tout ce qui est du ressort de la philosophie comme de la littérature, a, dans ses ro^iians, presque égalé ce que Montesquieu a écrit de plus ingénieux sur la morale et sur les mœurs ; et l'auteur de Gilblas, celui de Mariamne , Vauvenargues, et enfin J.-J. Rousseau , se sont ouvert chacun des routes dif- férentes, et ils sont pourtant allés vers le même but.

On sera peut-être étonné de n'avoir pas déjà lu parmi ces noms illustres le nom de Molière; et je conviens qu'en parlant des peintres du cœur hu- main , j'aurais dû le citer le premier, si le genre plus difficile dans lequel il a triomphé, n'obligeait pas de lui réserver toujours lUie place unique.

Molière ne s'est pas contenté d'esquisser des portraits sur le papier, d'indiquer des caractères, de proférer des maximes, d'après les aperçus de la société. 11 a fait bien plus, il a créé des person- nages; et, après les avoir chargés des vices ou des ridicules qu'il voulait peindre, il a forcé ses mo- dèles à s(î reconnaître dans ces images fantasti-

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