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398 OEUVRES

lui-même un spectacle fait pour son cœur ; maître de la citadelle, dernier asile du dernier tyran, il appelle le peuple à la destruction de ce monument odieux; et de ses débris même, sur la même place, il fait élever un édifice public consacré à l’admi- nistration de la justice. Syracuse était déserte; il rappelle les exilés. Mais leur nombre ne suffisant pas pour repeupler la solitude de cette ville im- mense, une nouvelle colonie arrive de Corinthe, qui redevient en quelque sorte la fondatrice de Syracuse.

La Sicile délivrée, vengée, repeuplée, heureuse par les soins d’un seul homme, Corinthe rede- mande Timoléon. ?.ïais déjà il habite une retraite solitaire près de la ville dont le bonheur est son ouvrage. La Sicile est la nouvelle patrie que son cœur adopte, et où il n’a point à pleurer les tyrans qu’il a punis. C’est aux frais de la répu- blique que fut préparé son asile champêtre. Un décret lui assigna pour sa maison le plus bel édifice de la ville ; car il y venait quelquefois pour les délibérations les plus importantes, à la prière du sénat et du peuple; un char allait le chercher et le reconduisait chez lui avec un nombreux cor- tège. Les plus illustres citoyens allaient fréquem- ment lui porter leurs hommages ; on lui présentait les voyageurs et les étrangers les plus célèbres de la Sicile et de la Grèce qui voulaient voir ou avoir vu Timoléon. Mais devenu vieux, il ne pouvait que les entendre, et la perte de sa vue ajoutait à