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ils se faisaient pourtant une peine de résister à leurs supérjein\s et de désobéir à des ordres qu’on supposait émanés du roi. Partagés entre ces di- vers sentimens, ils n’en demeuraient pas moins inébranlables dans leur attachement à Ja cause du peuple. Un cri intérieur, plus fort que la voix de leurs officiers, repoussait invinciblement les prières et les menaces, les craintes et les espé- rances. Dans ce combat de tant de passions op- posées, un incident nouveau vînt accroître le trouble et presser leur détermination : c’était le retour de leurs camarades, qui, rentrant préci- pitamment et d’un air égaré dans les casernes, après l’héroïque expédition de M. de Lambesc, s’écriaient qu’on égorgeait leurs frères, et racon- taient ce qu’ils avaient vu, ce qu’ils avaient en- tendu. Alors ce n’est plus qu’un cri d’indignation; le tumulte redouble ; ils veulent sortir, s’élancer de leurs casernes. Plusieurs officiers, hors d’eux mêmes, saisissent les soldats, les embrassent ; d’autres se couchant à terre, barrent la porte en criant : « Vous ne sortirez de vos casernes » qu’en marchant sur mon corps ! » Ces obstacles les retiennent un moment, leur courage chan- celle, lorsque tout-à-coup il se ranime et devient une fureur guerrière. Ce mouvement subit et im- pétueux venait de l’approche d’un détachement de leurs camarades, qui arrivait tambours battans. Dès - lors rien ne les arrête : ils repoussent ou •écartent les officiers, accourent en foule vers la