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de tours de passe-passe est à un mathématicien, ce que Pinetti est à Archimède.

— On n’est point un homme d’esprit pour avoir beaucoup d’idées, comme on n’est pas un bon général pour avoir beaucoup de soldats.

— On se fâche souvent contre les gens de lettres qui se retirent du monde ; on veut qu’ils prennent intérêt à la société, dont ils ne tirent presque point d’avantage ; on veut les forcer d’assister éternellement aux tirages d’une loterie où ils n’ont point de billet.

— Ce que j’admire dans les anciens philosophes, c’est le désir de conformer leurs mœurs à leurs écrits : c’est ce que l’on remarque dans Platon, Théophraste et plusieurs autres. La morale-pratique était si bien la partie essentielle de leur philosophie, que plusieurs furent mis à la tête des écoles, sans avoir rien écrit : tels que Xénocrate, Polémon, Xentippe, etc. Socrate, sans avoir donné un seul ouvragée et sans avoir étudié aucune autre science que la morale, n’en fut pas moins le premier philosophe de son siècle.

— Ce qu’on sait le mieux, c’est 1° ce qu’on a deviné ; 2° ce qu’on a appris par l’expérience des hommes et des choses ; 3° ce qu’on a appris, non dans des livres, mais par les livres, c’est-à-dire, par les réflexions qu’ils font faire ; 4° ce qu’on a appris dans les livres ou avec des maîtres.

— Les gens de lettres, surtout les poètes, sont comme les paons, à qui on jette mesquinement