Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/404

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pect, ne fût-ce que pour ne pas être méprisé comme acteur dans une troupe d’excellens comédiens.

— Les gens qui croient aimer un prince dans l’instant où ils viennent d’en être bien traités, me rappellent les enfans qui veulent être prêtres le lendemain d’une belle procession, ou soldats le lendemain d’une revue à laquelle ils ont assisté.

— Les favoris, les hommes en place mettent quelquefois de l’intérêt à s’attacher des hommes de mérite ; mais ils en exigent un avilissement préliminaire, qui repousse loin d’eux tous ceux qui ont quelque pudeur. J’ai vu des hommes dont un favori ou un ministre aurait eu bon marché, aussi indignés de cette disposition, qu’auraient pu l’être des hommes d’une vertu parfaite. L’un d’eux me disait : Les grands veulent qu’on se dégrade, non pour un bienfait, mais pour une espérance ; ils prétendent vous acheter, non par un lot, mais par un billet de loterie ; et je sais des fripons, en apparence bien traités par eux, qui, dans le fait, n’en ont pas tiré meilleur parti, que ne l’auraient fait les plus honnêtes gens du monde.

— Les actions utiles, même avec éclat, les services réels et les plus grands qu’on puisse rendre à la nation et même à la cour, ne sont, quand on n’a point la faveur de la cour, que des péchés splendides, comme disent les théologiens.

— On n’imagine pas combien il faut d’esprit pour n’être pas ridicule.