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social, il ne faut pas vouloir être plus qu’on ne peut.

— La sottise ne serait pas tout à fait la sottise, si elle ne craignait pas l’esprit. Le vice ne serait pas tout à fait le vice, s’il ne haïssait pas la vertu.

— Il n’est pas vrai (ce qu’a dit Rousseau, après Plutarque) que plus on pense, moins on sente ; mais il est vrai que plus on juge, moins on aime. Peu d’hommes vous mettent dans le cas de faire exception à cette règle.

— Ceux qui rapportent tout à l’opinion, ressemblent à ces comédiens qui jouent mal pour être applaudis, quand le goût du public est mauvais : quelques-uns auraient le moyen de bien jouer, si le goût du public était bon. L’honnête homme joue son rôle le mieux qu’il peut, sans songer à la galerie.

— Il y a une sorte de plaisir attaché au courage, qui se met au-dessus de la fortune. Mépriser l’argent, c’est détrôner un roi ; il y a du ragoût.

— Il y a un genre d’indulgence pour ses ennemis, qui paraît une sottise plutôt que de la bonté ou de la grandeur d’âme. M. de C… me paraît ridicule par la sienne. Il me paraît ressembler à Arlequin, qui dit : « Tu me donnes un soufflet ; eh bien ! je ne suis pas encore fâché. » Il faut avoir l’esprit de haïr ses ennemis.

— Robinson, dans son île, privé de tout, et forcé aux plus pénibles travaux pour assurer sa subsistance journalière, supporte la vie, et même goûte,