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ouvrent une autre non moins abondante ; et sou- vent ces deux sensations se réunissent. La simple vue d'une action de générosité nous transporte. En sommes-nous les objets ? Elle arrache de nos veux des larmes de reconnaissance et d'admira- tion. Qrand nous avons le bonheur de la faire nous-mêmes, elle excite dans nous un doux tres- saillement qui, se confondant par degrés avec le calme d'une joie pure et concentrée , forme la jouissance la plus voluptueuse que la nature ait accordée à l'homme. Oreste et Pylade se disputant l'honneur de mourir l'un pour l'autre , que de sentimens délicieux s'élèvent à 'la fois dans votre âme ! Vous jouissez de la générosité de Pylade ; il A'ous semble que vous l'imiteriez : l'infortune d'Oreste vous attache et vous attendrit. Une iden- tification qui , pour être rapide , n'en est pas moins réelle, nous transforme dans l'homme que l'infor- tune accable, et dans l'ami généreux qui veut mourir pour lui. IXous jouissons des deux senti- timens qui nous sont les plus chers : du sentiment de notre grandeur qui nous flatte, et de celui de notre faiblesse qu'on soulage.

Ce serait peut-être ici la place d'examiner pour- quoi les grands crimes ne sont intéressans au théâ- tre , que quand ils sont commis par des hommes à peu près vertueux. Si Olùlipo était un scélérat , il ne serait que révoltant. Qu'un monstre, pour remplir une vengeance méditée depuis plus de vingt ans , fasse boire à un malheureux père le

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