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DE CHAMFORT. 29 1

pouvoir en assigner plusieurs raisons. Ce n'est que depuis la renaissance de lapbilosopliie;, qu'on a profondément réfléchi sur la théorie des beaux- arts. Les Grecs paraissent avoir peu médité sur ce sujet. Dominés par une âme sensible et une ima- gination ardente, ils se laissaient entraîner par ces guides qui conduisent rapidement celui qui marche à leur suite , mais qui quelquefois l'é- garent. En effet, le génie ne préserve pas des écarts du génie. Il a besoin d'être dirigé par des réflexions qu'il ne fait ordinairement qu'après s'être trompé plus d'une fois. Plus le goût de la société s'étend, plus les objets des méditations du philosophe se multiplient. Les idées de la vraie grandeur et de la vraie vertu deviennent plus justes et plus précises. La corruption des mœurs qui, selon quelques sages, est le fruit de ce goût excessif pour la société, est pour le poète une rai- son de plus de multiplier les caractères vertueux. On a dit que, plus les mœurs s'altèrent, plus on devient délicat sur les décences. Par cette rai- son, plus les hommes deviennent vicieux , plus ils applaudissent à la peinture des vertus. Fatigués de voir des âmes communes , des bassesses , des trahisons, leur cœur se réfugie, pour ainsi dire , dans cesmonumens précieux , où il retrouve quel- ques traits d'une grandeur pour laquelle il était né. Priais telle est ia faiblesse de la nature humaine, même dans ses vertus, que, pour nous rendre in- téressans à nos propres yeux , le poète a presque

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