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elle jeta dans les âmes une énergie nouvelle y moins dure, moins féroce que celle dont l’Europe avait senti les effets à l’époque de Charlemagne ; on convient qu’elle marqua d’une empreinte de grandeur imposante la plupart des événemens qui suivirerit sa naissance , qu’elle forma de grands caractères , qu’elle prépara même l’adou- cissement des mœurs , en portant la générosité dans la guerre , le platonisme dans l’amour , la galanterie dans la férocité. De là, ces contrastes qui nous frappent si vivement aujourd’hui; qui mêlent et confondent les idées les plus disparates, Dieu et les dames , le catéchisme et l’art d’aimer ; qui placent la licence près de la dévotion , la grandeur d’âme près de la cruauté , le scrupule près du meurtre ; qui excitent à la fois l’enthousiasme, l’indignation et le sourire ; qui montrent souvent, dans le même homme, un héros et un insensé , un soldat, un anachorète et un amant; enfin qui multiplient, dans les annales de cette époque , des exploits dignes de la fable , des vertus ornemens de l’histoire, et surtout les crimes de toutes les deux : mœurs vicieuses , mais piquantes, mais pittoresques ; mœurs féroces , mais iièies , mais poétiques. Aussi , l’Europe moderne ne doit-elle qu’à la chevalerie les deux grands ouvrages d’i- magination qui signalèrent la renaissance d(>s lettres. Depuis les beaux jours de la (irèce et de Rome , la poésie , fugitive , errante loin de l’Europe , avait , comme l’enchanteresse du Tasse f