Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/231

Cette page n’a pas encore été corrigée

DF. CHAMFORT. 207

politique , son influence morale est peut-être en- core plus forte et plus sûre. Qui doute que Cor- neille n'ait élevé les idées de sa nation? notre esprit se monte naturellement au niveau dts grandes pensées qu'on lui présente. Qui n'a senti sftn âme s'agrandir à l'expression d'un beau sen- timent , comme à la vue d'une mer vaste , d'un horizon immense, d'une montagne dont le sommet fuit dans les airs? On sait que Louis xiv ^ après avoir assisté à une représentation de Cinna , fut tellement frappé de la clémence d'Auguste, qui! l'aurait imitée à l'égard du chevalier de Piohan , si l'intérêt de Pétat n'eût pas exigé la punition du coupable. Le même monarque cessa de monter sur le théâtre, après avoir entendu les beaux vers où Narcisse , au nom des Romains , reproche à -Néron de venir prodiguer sur la scène sa personne et sa voix. Et qui sait combien d'hommes inconnus ont pris dans cette école des mœurs le germe de plusieurs actions honnêtes et de leurs vertus en- sevelies avec eux dans l'obscurité ?

Le théâtre comique n'en impose point par ce faste qui accompagne la tragédie ; il ne bat point l'imagination par d'aussi grandes machines. Il n'en- lève point l'âme hors d'elle-même ; mais il s'v in- sinue , et la gouverne par une persuasion douce et pénétrante. Il l'épure et l'adoucit ; il inspire le goût de la société en nous apprenant Lart d'inté- resser nos semblables , ou du moins d'en être soufferts. Les fruits de la société sont doux ; mais

�� �