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Et il revient de nouveau au plaisir de prêcher l’amour de la retraite : et quelle force de sens dans ces vers-ci :

V. 60. Magistrats, princes et ministres,
V. 60. ............
V. 60. Que le malheur abat, que le bonheur corrompt.

Et sur-tout ce vers admirable qui suit :

Vous ne vous voyez point, vous ne voyez personne.

On pourrait finir par un Apologue plus parfait, mais non par de meilleurs vers.

CONCLUSION.

Après cet examen, qu’il était aisé de rendre plus exact et plus sévère, il se présente naturellement quelques réflexions. On a pu être étonné de la multitude des fautes qui se trouvent dans un écrivain si justement célèbre. Je ne parle point de celles qui ne concernent point la langue, la versification, etc. ; je n’insiste que sur celles qui intéressent la morale, objet beaucoup plus important. On a pu remarquer quelques fables dont la morale est évidemment mauvaise ; un plus grand nombre dont la morale est vague, indéterminée, sujette à discussion ; enfin quelques autres qui sont entièrement contradictoires. On voit, par cet exemple, quelle attention il faut porter dans sa lecture, pour ne point admettre de fausses idées dans son esprit ; et s’il s’en est glissé plusieurs dans un livre qui entre dans notre éducation, comme un des meilleurs qui aient jamais été faits, qu’on juge de celles que nous recevrons par un grand nombre de livres inférieurs à celui-ci. Que faire donc ? Je l’ai déjà dit. Ne point lire légèrement, ne point être la dupe des grands noms, ni des écrivains les plus célèbres, former son jugement par l’habitude de réfléchir. Mais c’est recommencer son éducation. Il est vrai ; et c’est ce qu’il faudra faire constamment, jusqu’à ce que l’éducation ordinaire soit devenue meilleure, réforme qui ne paraît pas prochaine.