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Et comme, malgré lui, sa passion l’anime,
Comme il cherche toujours à reprendre son vol,
Le paysan, craignant cette douleur sublime,
Cherche le sûr moyen de l’attacher au sol.

Il met le fier coursier entre deux bœufs tranquilles
Qui du matin au soir s’en vont indifférents,
Sans désirs insensés, sans rêves inutiles,
Ouvrant droit devant eux leurs yeux mornes et grands.

Que peuvent-ils savoir de la sauvage envie
Qui ronge ce captif vaincu par le destin !
Marcher paisiblement sur la route suivie,
Puis la nuit, au bercail, dormir jusqu’au matin ;

Voir chaque jour passer, lent, calme et monotone,
Sans que nul incident n’en traverse le cours ;
Toujours du même point voir l’astre qui rayonne
Marquer également les heures et les jours :

Voilà leur existence invariable et douce,
Qui suffit à leurs goûts, et n’a pour excitant