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À l’heure où, débordant d’une joie inconnue,
En se voyant tout seul au milieu de la nue,
Il se croyait déjà le maître du ciel pur.

Il n’a pu s’affranchir à jamais de la terre ;
Sur un rocher lointain, abrupt et solitaire,
Ses aiglons affamés suivent dans l’infini
Son vol audacieux qui dans l’air se balance ;
Mais, si loin qu’il puisse être, au milieu du silence,
L’aigle croit les entendre et revient à son nid.

C’est ainsi que parfois l’âme humaine s’élève
Et s’en va dans le ciel sur les ailes du rêve :
Elle a soif d’inconnu, d’azur, d’immensité ;
Mais sitôt qu’elle a fuit les chaînes de la vie,
Le souci, noir aiglon dont elle est poursuivie,
La force à revenir dans la réalité.


6 mars 1882.