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Et le temps, ce vainqueur aux sombres missions,
N’a pas su renverser ces terribles figures
Qui paraissent, la nuit, dans les lueurs obscures,
Les sinistres témoins des générations.

Ils veillent sur les murs de Thèbes aux cent portes ;
Mais Thèbes, sa grandeur et sa gloire sont mortes…
De l’immense cité rien ne demeure plus.
Seuls ces titans rêveurs, sous la voûte étoilée,
N’ont pas encor senti leur puissance ébranlée
Par le nombre pesant des siècles révolus.

Ils n’ont pas incliné leurs fronts hautains et mornes ;
On les voit, comme alors, à l’horizon sans bornes,
Songer, graves, muets, sous l’espace infini.
Sur leur lèvre immobile erre encore un sourire
Si triste et si profond, que l’on ne saurait dire
Quel désespoir habite en ces corps de granit.

Vers quel point est tourné ce grand regard étrange
Qui jamais ne dévie et qui jamais ne change ?
Sphinx, interrogez-vous la terre ou bien le ciel,
La plaine qui rayonne ou la lointaine étoile,