Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/45

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Si vous avez feuilleté quelques pages,
Tout ce cortège aux folâtres visages,
Ces chœurs dansants, et ces ris un peu fous,
Vous font juger assez que devant vous
Se vient montrer la gente comédie ;
Non cette froide, insipide, étourdie.
Qui ne dit rien, et se pare aujourd’hui
De mots fardés, de grimace, d’ennui.
De plats sermons ; mais celle que l’Attique
Vit s’agiter sur son théâtre antique.
Le bon rimeur qui fait que nous voici
À d’autres dieux fut dévot jusqu’ici.
Ses vers, amants des forêts solitaires,
S’embellissaient d’études plus sévères.
Mais de sa route il faut quelques instants
Qu’il se détourne. Un tas de charlatans,
De vils escrocs, à qui chacun fait fête,
Ont de sa bile excité la tempête.
Or, comme il faut, pour flétrir ces pervers,
Les saupoudrer de caustiques amers,
Il veut contre eux, pour signaler sa haine,
Ressusciter la scène athénienne.
Et c’est par nous qu’étalant une voix
Neuve aujourd’hui, populaire autrefois,
Il les fustige, et sur leur dos profane
Fait pétiller le sel d’Aristophane.
Ce Grec railleur, une fois trop mordant,
Contre Socrate envenima sa dent.
Mais il eut tout, esprit, force, harmonie.
Invention, gaîté, grâce, génie.
De son vers fin les acres aiguillons