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Et bravent le sceptre du vice,
Ses caresses, ses dons, ses regards menaçants ;

Ceux qui devant le crime, idole ensanglantée,
N’ont jamais fléchi les genoux,
Et soudain, à sa vue impie et détestée,
Sentent leur poitrine agitée,
Et s’enflammer leur front d’un généreux courroux.


XV[1]

LA JEUNE CAPTIVE[2]

 
L’épi naissant mûrit de la faux respecté ;
Sans crainte du pressoir, le pampre tout l’été
Boit les doux présents de l’aurore ;
Et moi, comme lui belle, et jeune comme lui,
Quoi que l’heure présente ait de trouble et d’ennui,
Je ne veux point mourir encore.

Qu’un stoïque aux yeux secs vole embrasser la mort,
Moi je pleure et j’espère ; au noir souffle du nord

  1. Décade philosophique, 30 nivose an III.
  2. La jeune captive était une demoiselle Franquetot de Coigny, qui avait épousé le duc de Fleury en 1784 et qui, incarcérée à Saint-Lazare avec M. de Montrond, devint, après divorce, Mme de Montrond. Montrond et la citoyenne Franquetot (ex-duchesse de Fleury) furent effacés de la liste des prétendus conspirateurs moyennant une somme de cent louis en or. (Voy. la notice sur le procès d’André Chénier en tête des Œuvres en prose.)