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Complaisance a toujours la victoire propice[1].
Souvent de tes désirs l’utile sacrifice,
Comme un jeune rameau planté dans la saison,
Te rendra de doux fruits une longue moisson.
Flore a pour les amans ses corbeilles fertiles ;
Et les fleurs, dans leurs jeux, ne sont pas inutiles.
Les fleurs vengent souvent un amant courroucé,
Qui feint sur un seul mot de paraître offensé.
Il poursuit son espiègle ; il la tient, il la presse ;
Et, fixant de ses flancs l’indocile souplesse,
D’un faisceau de bouquets en cachette apporté
Châtie, en badinant, sa coupable beauté ;
La fait taire et la gronde, et d’un maître sévère
Imite, avec amour, la plainte et la colère ;
Et négligeant ses cris, sa lutte, ses transports,
Arme le fouet léger de rapides efforts,
Frappe et frappe sans cesse, et s’irrite et menace,
Et force enfin sa bouche à lui demander grâce.
Telle Vénus souvent, aux genoux d’Adonis,
Vit des taches de rose empreintes sur ses lis.
Tel l’Amour, enchanté d’un si doux badinage,
Loin des yeux de sa mère, en un charmant rivage,
Caressait sa Psyché dans leurs jeux enfantins,
Et de lacets dorée chargeait ses belles mains.

Fontenay ! lieu qu’Amour fit naître avec la rose,
J’irai (sur cet espoir mon âme se repose),

  1. Ce ver et les trois suivants avaient été reproduits dans les élégies, avec cette variante du premier vers :

    Complaisance a toujours une adresse propice.