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Accompagnant l’année en ses douze palais,
Étale sa richesse et ses vastes bienfaits[1] ;
Brazais, que de tes chants mon âme est pénétrée,
Quand ils vont couronner cette vierge adorée
Dont par la main du temps l’empire est respecté,
Et de qui la vieillesse augmente la beauté !
L’homme insensible et froid en vain s’attache à peindre
Ces sentiments du cœur que l’esprit ne peut feindre ;
De ses tableaux fardés les frivoles appas
N’iront jamais au cœur dont ils ne viennent pas.
Eh ! comment me tracer une image fidèle
Des traits dont votre main ignore le modèle ?
Mais celui qui, dans soi descendant en secret,
Le contemple vivant, ce modèle parfait,
C’est lui qui nous enflamme au feu qui le dévore ;
Lui qui fait adorer la vertu qu’il adore ;
Lui qui trace, en un vers des Muses agréé,
Un sentiment profond que son cœur a créé.
Aimer, sentir, c’est là cette ivresse vantée
Qu’aux célestes foyers déroba Prométhée.
Calliope jamais daigna-t-elle enflammer
Un cœur inaccessible à la douceur d’aimer ?
Non : l’amour, l’amitié, la sublime harmonie,
Tous ces dons précieux n’ont qu’un même génie ;
Même souffle anima le poète charmant,
L’ami religieux et le parfait amant ;
Ce sont toutes vertus d’une âme grande et fière.
Bavius et Zoïle, et Gacon et Linière,

  1. Le marquis de Braisais avait composé un poème de l’Année, qui est resté manuscrit.