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Quand, fugitifs, sans appui, sans asile, on vous appellera fils de l’inceste, alors maudissez votre père. Et quand


Un traître, un parricide, un fils incestueux,
Au gibet mérité marcheront sous vos yeux,
À leur visage impie, horrible, sanguinaire.
Rappelez-vous Fernand, maudissez votre père,
Dites : — Il ressemblait à ces hommes pervers
Que les bourreaux............


Peindre noblement et superstitieusement la force des imprécations d’un père… Dans un épisode grandement tragique. Ceci doit être un des plus beaux endroits de l’ouvrage.


Il serait bon, et neuf, et original, dans la foule de caractères qui doivent remplir cet ouvrage, d’en jeter un d’un âge mûr, devenu froid et tranquille, d’ardent et impétueux qu’il était dans sa jeunesse. Silencieux, écoutant tout et ne répondant rien, faisant et disant tout ce qu’il a à faire ou à dire sans aucune altération de visage. Dans le conseil, n’ayant que des avis ironiques. Dans la mêlée se battant sans jamais rien perdre de son sang-froid. Quand, après la victoire, chacun étale ses exploits pour avoir part au butin, lui, se taisant et s’en allant. Humain et bon, sans aménité ; ami inviolable sans être caressant ; généreux sans magnificence ; juste sans aimer la vengeance ; grand sans enthousiasme ; peu fêté, peu recherché ; mais honore de tous. Adoré du soldat qui craint même son regard. Redouté dans le conseil, même lorsqu’il garde le silence. Et lui donner un ami d’un grand caractère tout opposé qui, en l’aimant, le respecte.