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Il faut par la pensée se résigner à tout, et dans l’action ne se résigner jamais, lutter comme si l’on devait vaincre, vivre comme si l’on ne pouvait mourir.

Il faut, comme Prométhée, devant la résistance du Destin se roidir, se dresser, et faire l’homme si grand, qu’il puisse sans pâlir un jour regarder en l’abîme des choses.

Nous sommes ici-bas pour nous faire éternels, pendant ces courts moments que nous avons à vivre, pour faire infinis nos désirs et nos rêves, malgré l’étroite limite fixée à nos pensées ; pour que la Nature prenne conscience en nos âmes de sa grandeur et de sa misère, de sa réalité qui toujours lui échappe et de son néant qui se revêt toujours de nouvelles formes fugitives, si bien qu’éternelle elle meurt sans cesse, et que mourant sans cesse elle reste éternelle.

Possesseurs alors de cette sombre et splendide vérité, nous vivrons comme l’Infini, comme la Pensée infinie, comme