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On parle et l’on s’étonne de ces supplices raffinés dont les Japonais, qui font en toutes choses preuve d’un art exquis, ont su garder la tradition. La Nature dépasse de beaucoup ces esprits subtils. La torture, que nous avons abolie, est et sera toujours dans ses lois. Hommes, femmes, enfants, innocents ou coupables, avant de les jeter au néant, elle les livre aux bourreaux ; et, selon son caprice, à l’un, elle fait crever les yeux ; à l’autre, ronger les chairs, les os, le crâne, nuit et jour, des semaines, des mois, des années ; celui-ci, elle le rend fou, ravage sa pensée, et lui laisse le rire horrible de l’idiot ; celui-là, vivant, sert de pâture aux vers. Une mère berce son enfant : la Nature étrangle l’enfant. Mais, comme elle est mère aussi, par un accès de tendresse bizarre, elle fait fleurir des violettes et chanter des oiseaux sur le tombeau du petit être.