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Le Destin volontiers rit de nous. Un homme s’avance, le front inspiré. Ses pensées sont sublimes ; je l’écoute ; il a quitté la terre ; il habite le pays des étoiles d’été, et les soleils, ses serviteurs, lui forment une cour de glorieux musiciens, dont les harpes d’or ne vibrent que pour lui. Le firmament, avec son baldaquin d’étoiles, n’est que le ciel du lit magnifique où se vautre sa royauté. Il vient à moi et me dit tout bas, en tremblant, comme épouvanté de sa propre grandeur : « Je suis Dieu ! » Puis la langue bégaye, les pieds se heurtent et s’embarrassent, le Dieu tombe. « Paralysie générale, » dit en clignant de l’œil le docteur, qui passe.

J’ai peur maintenant. Qui sait si mon orgueil, l’orgueil humain, l’orgueil du Ciel et de la Terre, ne finiront pas un jour par le bégayement et les hontes de la paralysie générale ?