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Cependant, la chose est plus compliquée. Et le grand philosophe Schopenhauer a, d’un mot d’esprit, renversé tout cet échafaudage. Il a dit que les théologues ou les philosophes qui cherchent à baser l’existence de l’Etre Suprême sur la loi de la causalité, prennent cette loi de la causalité pour un cacher de fiacre. Lorsqu’un cocher de fiacre nous amène à l’endroit que nous lui avons indiqué, nous pouvons, vous le savez, le lâcher, après s’être disputé parfois avec lui. On opère de la même façon avec cette loi de la causalité. On arrive avec ce cocher de fiacre à Dieu, et puis on le lâche. Mais on n’a pas le droit de le lâcher. S’il est vrai que tous les effets, toutes les choses, tous les événements ont une cause, la même question se pose de nouveau avec Dieu lui-même. Quelle est sa cause ? Qui a produit Dieu ? Le petit Spinoza, déjà extraordinaire dans son enfance, a posé à son professeur la même question que je viens de poser : « Quelle est la cause de Dieu ? » Il a reçu une gifle, et cela l’a rendu philosophe. (Rires).

Pendant la période scolastique, qui n’est pas négligeable au point de vue éducation logique — c’est de cette période que datent tous les raffinements de la pensée, de la logique formelle — on posait cette question : Quand quelqu’un frappe avec une canne, qui est-ce qui est la cause du coup, l’homme ou la canne ?

Autre exemple : Un enfant, mal gardé, passe devant une caisse de poudre avec une bougie allumée, fait tomber la bougie dans la caisse, fait sauter la maison. Quelle est la cause ? Est-ce la bougie allumée ? Est-ce l’enfant mal surveillé ? Est-ce la maman qui n’a pas gardé l’enfant ?