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l’a dit, tout en étant partisan de l’alliance, parce qu’il estimait que la France ne devait pas être isolée. Mais Jaurès considérait la pratique de l’alliance, comme une sorte de vassalité vis-à-vis du tsarisme.

Ici, je suis obligé de faire appel à mes souvenirs personnels. Je vous les raconte pour la première fois.

C’était quelques jours avant la guerre. Je suis parti pour la dernière séance du Bureau International de la Deuxième Internationale, qui eut lieu à Bruxelles, le 29 juillet, en même temps que Jaurès, Jules Guesde, Vaillant, Sembat, sa femme et Longuet. Le 29, au matin, pendant le déjeuner, j’étais en face de Jaurès. Jaurès venait de recevoir l’Humanité avec son article. Il me le passe. Je lis dans cet article que le gouvernement français a tout fait pour éviter la guerre. Je pose cette simple question à Jaurès : Etes-vous vraiment sûr que le gouvernement français ait fait tout pour empêcher la guerre ? Il m’a répondu textuellement : « Je parle du Ministère ». Je ne veux rien exagérer. Jaurès n’a pas prononcé de nom. Je ne veux pas dire ce qu’il n’a pas dit. Mais Jaurès lui-même a fait cette distinction entre le Ministère et la Présidence de la République, entre Viviani, qui représentait alors le gouvernement, et M. Poincaré.

Autre souvenir personnel. Lorsque Jaurès a prononcé — malgré sa fatigue — son meilleur et dernier discours au théâtre de Bruxelles, il a parlé pour la première fois de l’Alliance russe dans des termes