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lement de naître à la civilisation, et qui sortait de cette rencontre sanglante, battue, écrasée par les Japonais ! Jamais la caste militaire russe n’a pu digérer cela. Elle a cherché — comme nous avons cherché pendant 40 ans, après la défaite de 70 — une revanche. La Russie avait sa revanche à prendre sur la défaite de Mandchourie. Il y a des documents qui le confirment. Un grand publiciste russe, Pierr Ryss, patriote et antibolchevik, dans son livre sur le bolchevisme : L’Expérience Russe, raconte des choses très intéressantes, sur son entrevue avec Raspoutine, qui était très puissant et qui lui a déclaré — c’était avant la guerre — que le grand duc Nicolas poussait de toutes ses forces à la guerre, pour faire disparaître la honte de la défaite dans la guerre russo-japonaise. Raspoutine était très bien renseigné des choses de la Cour.

Il y avait une autre raison immédiate, très profonde pour pousser la Russie à la guerre. C’était la croissance, le développement de la révolution Russe. Malgré les potences, les prisons où il y avait des centaines de milliers d’hommes et de femmes, malgré l’écrasement par Stolypine de la révolution de 1905, le mouvement ouvrier grandissait. Les grèves ne cessaient pas. Au moment même où notre grand Lorrain Poincaré, est venu à Pétrograd, en guise de réception, il a trouvé une grève générale à Pétrograd et des barricades. Il y avait donc une tentation de diversion extérieure pour étouffer l’ennemi intérieur, la révolution, la classe ouvrière qui menaçait.