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Commençons, naturellement, par Guillaume. Guillaume n’était pas un empereur comme les autres. Ce n’était pas un roi-soliveau. Ceux qui l’ont étudié de près, comme par exemple Jules Simon — qui a été reçu par l’empereur à l’occasion de la conférence pour la législation ouvrière, disaient de Guillaume : c’est « un guerrier idéologue ». Il exalta la guerre, il considéra la guerre — en accord d’ailleurs avec la philosophie en honneur chez les classes dominantes — comme quelque chose d’idéal. C’était un grand volontaire. Aussitôt arrivé au pouvoir, malgré les immenses services rendus par Bismarck à son pays, il renvoie le chancelier de fer, qui jouissait cependant d’une grande popularité. Guillaume voulait être son propre chancelier, comme disait Bismarck.

Guillaume prétend qu’il n’a pas voulu la guerre. En tout cas, il l’a rendue absolument inévitable par sa mégalomanie. Il est possible qu’au moment précis il n’ait pas voulu la guerre, peut-être parce qu’il considérait que cette guerre se produisait dans des circonstances qui n’étaient pas tout à fait favorables à son dessein. Mais, Guillaume prépara la guerre par toutes ses fanfaronnades, par le souci constant du développement d’une immense marine, par sa recherche constante de concurrencer l’Angleterre, par ses alliances. Il faut considérer les alliances comme une des causes générales temporaires de la guerre, parce que du moment qu’on conclut une alliance avec une autre puissance, on se sent plus fort pour faire la guerre, étant donné la lutte pour l’existence dans notre période zoologique. Au fond, on ne fait pas la guerre lorsqu’on a peur d’être vaincu ; la peur des coups rend pacifique. Frédéric, dit le Grand, roi de Prusse, était plus franc à ce su-