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vérité. Le nationalisme est un idéal pour certains. Les bourgeois, les capitalistes, les journalistes de la grande presse, ont besoin, dans leur propre conscience — ou ce qui leur tient lieu de conscience — d’une idéologie qui les élève au-dessus d’eux-mêmes, une idéologie toute animale, faite du sentiment « patriotique ». On va à la patrie comme de vieilles catins vont à l’église, pour se faire pardonner son passé et pour se donner un air bourgeois. Il y a dans cette société, au fond grossièrement matérialiste, dans cette société de jouisseurs, de financiers, de commerçants, il y a ce besoin primitif d’un idéalisme primitif également. Le patriotisme le satisfait très bien, parce qu’on n’y perd rien au fond. On s’arrange ! Vous savez très bien que ceux qui ont prêché la guerre, les diplomates, les hommes d’Etats, les journalistes, se sont arrangés pour faire faire la guerre par les autres. Lorsque Clemenceau disait : « Je fais la guerre », c’était une métaphore, naturellement. (Rires).

La presse a joué un rôle funeste pour préparer les esprits à la guerre. On ne sait pas encore tous les fils qui lient la presse. Le grand public ne sait pas tous les fils qui réunissent la presse à la finance. Si vous saviez comment fonctionnent les agents de publicité qui ont des centaines de journaux à leur disposition. Je ne veux citer qu’un nom. Le Comité des Forges a à sa disposition un homme que toute la grande presse connaît. C’est un homme charmant. Il s’appelle M. Mignon. Il a à sa disposition des centaines de journaux qui sont à ses ordres, du moment qu’il peut souffler dessus pour les faire disparaître. Ces journaux sont obligés de marcher comme leur patron, leur entreteneur, le veut. La presse est devenue une véritable