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que quelques-unes, comme la lutte pour la propriété du globe, comme la lutte pour l’hégémonie, la lutte pour l’existence, la lutte — dont je n’ai pas parlé, mais j’en parlerai à propos de la guerre mondiale — pour les débouchés coloniaux. Ces causes générales, permanentes ou temporaires, provoquent une situation de guerre. Une situation de guerre, cela ne suffit pas. Il faut créer une atmosphère de guerre une véritable passion pour la guerre. Aujourd’hui, cela se fait par des campagnes de presse. Dans l’antiquité, il n’y avait pas de presse et les guerres n’étaient pas si formidables. Mais, comme Homère le raconte, on faisait son propre journal. On s’insultait mutuellement. Avant le combat, c’étaient les insultes homériques qui remplaçaient les articles du Matin (Rires). On crée aussi une atmosphère de guerre avec l’éducation patriotique dans les écoles, en exaltant l’orgueil national. Quand j’étais à Berlin, avant mon expulsion de la Prusse, un camarade social-démocrate allemand, un internationaliste sincère, m’a cité ce petit exemple qui en dit long : Un professeur d’histoire disait à son fils, qui était au lycée : « Il faut aimer tout le monde, même les Français. » Ce petit « même » est tout un poème. Même les Français ! Je crois que nous sommes plus avancés. On disait aux petits Français, pendant la guerre : « Il faut aimer tous les hommes, sauf les Boches ! » (Rires). Une institutrice m’a raconté que des petites fillettes, ses élèves, lui demandaient au début de la guerre, si « les boches » avaient un visage, une tête comme nous. Elles avaient entendu tellement d’horreurs qu’elles considéraient les Allemands comme des espèces de monstres qui n’ont rien de la figure humaine.