Page:Causes occasionnelles et permanentes de la Guerre, Charles RAPPOPORT.pdf/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mes compatriotes Français vivent. » L’Hervé allemand, qui s’appelle Heilmann écrivait textuellement : « Que les Français crèvent pourvu que les Allemands vivent. » Voilà le principe général de tout nationalisme.

Naturellement, le nationalisme est lié aux conditions sociales, économiques, au fait que la nation devient une association plus ou moins nécessaire dans la lutte pour l’existence. Nous sommes encore à la période zoologique. Au lieu de lutter pour notre existence par l’entr’aide, par la coopération, la collaboration qui auraient donné le maximum de bonheur pour chacun, nous luttons avec des armes fratricides. Nous sommes encore à la période primitive de l’humanité et nous ne sommes pas encore sortis de la préhistoire. Nous sommes dans une période de luttes bestiales, de violences.

Le nationalisme triomphe d’autant plus que les classes dominantes, les privilégiés, pour maintenir leur domination sur leurs esclaves intérieurs, pour maintenir leur situation privilégiée ont un intérêt direct, vital, à semer la division entre leur nation et les nations voisines. Cette pensée n’est pas tout à fait moderne. Il ne faut pas croire que c’est Marx, avec sa théorie de la lutte de classes, qui a inventé cela. Déjà, un des plus grands historiens de l’antiquité, Thucydide, disait comme une chose très banale, très courante à son époque : « Si nous ne voulons pas avoir la guerre civile, il faut chercher à provoquer la guerre extérieure. » La guerre extérieure était donc déjà, dans l’antiquité, considérée comme un dérivatif contre la guerre sociale intérieure.