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l’histoire aux explications plutôt anecdotiques. Vous savez que des hommes très sérieux se sont amusés à dire que si le nez de Cléopâtre avait été plus long, ou plus court, de façon à diminuer sa beauté troublante qui a empêché Antoine d’avoir l’empire du monde entier, l’histoire du monde aurait été tout autre. On s’est amusé à dire que si tel ou tel roi n’avait pas eu une gastrite, à tel ou tel moment, si, par exemple, Napoléon, à Waterloo, n’avait pas eu telle ou telle disposition d’épiderme ou d’esprit, l’histoire de l’humanité aurait été complètement différente. Non ! cette explication anecdotique ne correspond pas à la valeur des phénomènes historiques. C’est contraire à la loi de l’équivalence de la cause et de l’effet. Et ici, je vous rappellerai, camarades, le mot profond de Montesquieu qui disait, lui : Il y a parfois de petits incidents, des hasards, de petits détails qui paraissent jouer un grand rôle dans l’histoire et dans l’enchaînement des événements. Mais, pour que ces petits événements jouent un rôle dans l’histoire, il faut qu’ils soient liés, dans l’histoire, avec des causes plus générales pour qu’ils prennent cette importance. Exemple : En jetant parfois sur un immense glacier une pierre, vous faites précipiter d’une hauteur vertigineuse, le glacier dans les abîmes. Mais, pour que cette pierre produise cet immense effet, il a fallu que, pendant des siècles, une force moléculaire mine ce glacier pour qu’il devienne complètement mûr, pour ainsi dire, prêt à tomber, à se précipiter dans le gouffre rien que par suite du contact d’une petite pierre. Et, pour nous rapprocher de notre sujet, je vous citerai un autre mot de Montesquieu, qui fut un très grand penseur. Il disait, en parlant précisément dans son Esprit des