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appendice

45Qui dure .iiii. lieues, je l’ai bien ensaie.
Par là nous en istrons de cheste tour antie.
Ne cremons Kallemaine une pomme pourrie.
El bos de la Serpente où la melle s’escrie,
Prenderons nous anuit, baron, herbegerie. »
50Quant Renaus l’a oï, douchement s’umilie,
De boin cuer et de vrai le proudomme en merchie.
« Renaut, dist li viex hons, ne vous esmaiez mie,
Mais issons de chaiens ains l’eure de Complie. »
« Volentiers, dist Renaus, par Diu le fil Marie. »
55Li conte s’apareillent que nuz ne les detrie.
Rendus va à l’estable, à la chiere hardie
Baiart en traïst hors à qui l’esquine plie.
Le roy Yon de Gascongne n’i omblia il mie.
Droit s’en vont à la bove et li preudons lez guie.

Une fois dans le bois de la Serpente on ne sait que faire et Renaud, de peur de Charles, rentrerait volontiers dans le souterrain, mais Richard réclame.

« Ahi, Renaut, biaus frere, or ne vous dementez.
Encor vit li hermitez qui tant nos a amé.
Nous venrons bien à lui ains que soit avespré. »
Lors reprendent lor oirre et d’iluec sont tourné.
5Et la dame est montée sor Baiart l’aduré
Et si doi enfanchon sont aveuc lui monté.
Or les conduie Diex li roys de maïsté.
Tant ont parmi le bos et venu et alé,
En l’ermitage vinrent, s’ont l’ermite trouvé.
10Il reconut Renaut, à l’encontre est alés,
Douchement le salue, en ses bras l’a combré,
Doucement l’a rechut et par boine amisté,
Hautement lor escrie, à loi d’omme sené :
« Baron, bien vegniez vous, bien soiez vous trouvé.
15A mengier et à boire arez à grant planté. »
« Sire, che dist Renaus, .v.c. merchis de Dé.
Kallez li emperere forment nous a grevé.
Entour Montauban siet, le castel renommé,
Bien .iiii. ans et demi dedans avons esté,
20Souffrance avons eü et de pain et de blé,
N’aviemez que mengier, tout estiemez enflé.
Miex ameroie un pain que un marc d’or pesé,
Et se il estoit d’orge ou d’avoine triulé
Et [il] fust en laissive prestris et destrempez,
25Ne le refuseroie, ains le penroie à gré. »