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les quatre fils aymon

cruel, du triste roi des Fils Aymon. Ici les souvenirs populaires furent en partie injustes, mais il faut nous placer au point de vue austrasien.

Nous reprenons la suite historique des faits. En 720, le roi d’Aquitaine était menacé par l’invasion des Musulmans qui avaient passé les Pyrénées et pris Narbonne. Il les arrêta à Toulouse où il leur infligea une sanglante défaite (mai 721). Pour se garantir contre leur retour probable, il mit à profit le mécontentement du Wali Othman Abi Neza (le Monousa des chroniqueurs), qui commandait de l’autre côté des Pyrénées, noua une entente avec lui et lui donna en mariage sa fille Lampagie. Cependant Charles entrait sur les terres d’Eudes et prenait Bourges. Le roi d’Aquitaine, aux prises tour à tour avec la barbarie du Nord et celle du Midi, vint au secours de son peuple et fut battu. D’ailleurs un nouveau péril apparaissait à ses frontières méridionales. Abdérame (Abderrahman ben Abdalla el Gafeki), Émir de l’Espagne, reprenait la guerre sainte. Il attaqua d’abord Abi Neza, dont les hésitations et l’accord avec Eudes révélaient les intentions de révolte. Abi Neza se réfugia dans les montagnes où il mourut bravement. La belle Lampagie fut envoyée au Khalife à Damas.

Eudes essaya de résister, fut vaincu, dut appeler Charles à son aide. Les Musulmans avaient déjà pris Tours quand les Francs marchèrent à leur rencontre. Près de Poitiers se livra la bataille décisive qui arrêta les progrès de l’Islam[1].

Dans les Fils Aymon, la rencontre des Chrétiens et des Musulmans a lieu près de Bordeaux. Ce n’est plus Charles, c’est Renaud, ce proscrit que le roi de la Chanson de geste poursuit de sa haine, qui triomphe du chef arabe ; c’est encore Renaud qui épouse, non plus la fille, mais la sœur du roi de Bordeaux. Les souvenirs des batailles de Toulouse et de Poitiers allaient se confondant en un seul. Le trouvère suppose d’ailleurs que Bègues, le chef musulman, continue à posséder

  1. Pour tout cela v. Conde, Historia de la dominacion de los Arabes in España, t. I, c. 21, 24, 25 : Cuando Gedhir presentò la cautiva y la cabeza á Abderahman, dijó el Amir : Gualá, que tan preciosa caza no se hizó nunca en estos montes ! y mandó cuidar con mucho esmero aquella doncella para enviarla á Damasco. — Sur Eudes duc d’Aquitaine, v. Bladé, Annales du Midi. 1892, p. 144-197.