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les quatre fils aymon

nements, la forêt, conservés sans doute en une forme épique. Il entrelaça les deux éléments mérovingien et carolingien en un chant dont la version actuelle des Fils Aymon a conservé ce qui seul méritait de durer, l’intensité dramatique des situations et des caractères.

J’ignore si par une étude plus étendue, plus pénétrante et surtout plus heureuse que celle dont les Fils Aymon ont été jusqu’ici l’objet, l’on découvrira un jour un personnage du nom d’Aymes, père de quatre fils dont les malheurs, suite de leur révolte contre le roi, auraient fourni aux remanieurs de l’épopée antique le canevas sur lequel ils ont dessiné en s’inspirant des légendes éparses dans le souvenir des peuples ; mais il me semble démontré, dès à présent, que dans Grégoire de Tours, sous la forme semi-historique, semi-légendaire qui est propre à ses récits, nous avons rencontré deux jeunes princes qui, poursuivis par la haine impitoyable de leur père, sont bien ces Fils Aymon dont la destinée, pendant des siècles, a ému les âmes et nous intéresse encore aujourd’hui.

Il est vrai que le sort de l’un d’eux s’accomplit dans le Beuves d’Aigremont, où la qualité de fils de roi et son nom le rendent si reconnaissable ; mais en adaptant à son plan le chant ancien propre à Merovig, l’arrangeur n’a pu échapper à l’influence de la donnée commune aux deux récits primitifs : il savait conter les malheurs de Fils injustement proscrits, traqués comme des bêtes fauves, trahis. En réalité, seule cette qualité de Fils a persisté. Les Fils Aymon ? peut-on imaginer désignation plus vague ? Qu’est ce duc Aymes, dont le trouvère fait un frère de ce Beuves ou Buef que nous avons pu identifier et des héros de l’épopée, Doon de Nanteuil ou Gérard de Roussillon ? Il est là pour représenter un des deux aspects du personnage de Chilpéric à la fois roi et père, celui qui dans le Mérovingien choque le plus, mais qui dans le vassal fidèle s’ennoblit et devient une source d’intérêt.

Dans l’état où la Chanson nous est parvenue, la haine de Charles contre les Fils Aymon, cette haine furieuse et entêtée dont tous s’étonnent autour de lui, cette résolution implacable de voir en eux des ennemis auxquels il ne peut pardonner, ne sont pas suffisamment motivées. La mort de Berthelot ! mais