Page:Castets - La Chanson des quatre fils Aymon, 1909.djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
259
les quatre fils aymon

même endroit. Les Fils Aymon doivent se rendre à Vaucouleurs sans armes, néanmoins ils ceignent leurs épées[1]. Les armes dont il s’agit sont les armes défensives. Nous disons encore : armé de pied en cap, sans penser aux armes offensives, épée ou lance. Renaud le dit nettement à sa femme.

... Nos n’i aurons ja palefroi ne destrier,
Riche haubert ne heaume ne escu de quartier.

En ce qui concerne le duel de Roland et de Renaud, l’on note qu’il « a lieu pour ménager les deux armées qui se tiennent à distance et qui à la rigueur pourraient intervenir, tandis que dans la rédaction néerlandaise les deux champions sont seuls ; il n’y a que Maugis qui accompagne Renaud[2]. » La remarque aurait paru présenter moins d’intérêt, si l’on s’était souvenu que dans Grégoire de Tours le duel de deux champions est motivé par le désir de ménager deux armées en présence. Cette conception est de nature très primitive[3]. Horaces et Curiaces obéissent au même sentiment que Renaud et Roland.

L’on a remarqué justement que la dissimulation de la naissance des enfants de la duchesse Aye fait songer à un épisode du texte italien, où est mise en doute la légitimité de Renaud et de ses frères[4]. Nous avons rencontré d’autre part, dans le manuscrit 764, le reproche de bâtardise fait par le duc Aymes à ses enfants. Faut-il voir en cela la trace commune d’une tradition ancienne, et un souvenir de la naissance illégitime de Gondovald ? La question demeure très obscure.

  1. Loke, op. l., p. 136.
  2. Loke, op. l., p. 170.
  3. Greger. Turon. II, 2. M. Rajna remarque que les paroles que Grégoire place dans la bouche du roi des Alamans sont pour le fond identiques au discours tenu par Karaheus dans Ogier, v. 1468, sq. Origini, p. 404 et note 4.
  4. Loke, op. l., p. 79. cf. Pio Rajna, Rinaldo da Montalbano, p. 10 et Castets, Revue des Langues romanes, XXX, p. 166. « L’idée de présenter les quatre héros comme des bâtards, me paraît aussi tout autre chose qu’un trait archaïque » (Jeanroy, Romania, XXXV, p. 467, note 3). Je n’y verrais que l’amplification d’une injure banale, si Gondovald, bâtard de Clotaire, n’avait une place dans les origines des légendes épiques, et s’il ne me semblait possible de voir en lui le prototype de Renaud.