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les quatre fils aymon

que fils, Merovig et Chlodovig parce qu’ils sont les victimes de leur père, Gondovald parce qu’il se réclame de son père, Clotaire, Childebert parce que c’est comme fils de Sighebert qu’il court un danger de mort. Ils étaient de même race, la légende en a fait les Fils Aymon[1].

C’est donc bien une famille qui nous a été conservée sous les noms de Renaud, d’Alard, de Guichard, de Richard. Qu’importent d’ailleurs ces noms que les trouvères ont fini par leur imposer ? ils ont réellement vécu, et de leurs malheurs, de leurs souffrances, les poètes se sont inspirés. Peu à peu, dans l’éloignement croissant de la perspective, les traits trop particuliers sont devenus moins distincts, ont été même éliminés ; une seconde légende, celle de Charles Martel, a exercé sur l’ensemble une influence de rajeunissement ; à chaque génération tout se transposait en un monde nouveau de sentiments et de pensées ; et enfin des caractères généraux, épurés d’une part, enrichis de l’autre, s’est constituée l’œuvre dernière, si profondément humaine. Mais combien de pierres vives et saignantes entrèrent d’abord dans les fondations du grandiose monument !

À deux endroits il est parlé du pays où sont nés les Fils Aymon : « Nos somes né d’Ardenne… fil Aymon de Dordonne » (Mich. p. 100, v. 1), « Ils vinrent à Dordon, la dont il furent né » (p. 52, v. 28). Ce nom équivoque du fief attribué à Aymon fait penser à la rivière de Dordogne, sur les bords de laquelle est situé le Montauban du poème.

  1. J’ai laissé de côté Théodebert, fils aîné de Chilpéric, malgré sa fin dramatique, parce qu’il n’est à aucun moment l’objet d’une persécution. Mais il est très possible que les deux ambassades, adressées à Beuves d’Aigremont, soient le souvenir des défaites successives de Chlodovig et de Théodebert dans les expéditions dont leur père les avait chargés. Chlodovig dut fuir de Bordeaux devant les soldats de Sigulf ; Théodebert périt sur le champ de bataille, puis fut enseveli à Angoulême. Gonthramn Bose était un des chefs de l’armée victorieuse, et on lui reprochait de n’avoir ni épargné le fils de Chilpéric ni respecté son corps. Enguerrand représenterait Théodebert, et l’on aurait tous les princes mérovingiens dont l’histoire, métamorphosée en légende, fut la première matière des Fils Aymon. Gonthramn Bose y est partout présent, de Théodebert à Gondovald et à Childebert. Il n’y aurait rien de surprenant à ce qu’une part de ses méfaits ait fini par être imputée à Bobo, le Beuves d’Aigremont du poème.