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toile cirée, et je trouve l’amadou. Ma joie fut grande. Il étoit naturel que je remerciaſſe Dieu, puisque j’ai été chercher l’amadou confiant en ſa bonté ; et c’eſt ce que j’ai fait avec effuſion de cœur. Dans l’examen de cette action de graces je ne me ſuis pas trouvé ſot, comme je me ſuis découvert, tel réfléchiſſant à la prière que j’ai faite au maître de tout en allant chercher l’amadou. Je ne l’aurois pas faite avant que d’aller ſous les plombs, ni ne la ferois aujourd’hui ; mais la privation de la liberté du corps hébète les facultés de l’ame. On doit prier Dieu d’obtenir des graces, et on ne doit pas le prier de bouleverſer la nature par des miracles. Si le tailleur n’eût pas mis l’amadou ſous les aiſſelles je devois être certain de ne pas le trouver ; et s’il l’avoit mis je devois être ſûr de le trouver. L’eſprit de ma première prière à Dieu ne pouvoit être que celui de dire : Seigneur faites que je trouve l’amadou quand même le tailleur ne l’auroit pas mis : et s’il l’a mis, ne le faites pas diſparoître. Quelque théologien cependant trouveroit cette prière pieuſe, ſainte, et très-raiſonnable, car elle ſeroit fondée ſur la force de la foi ; et il auroit raiſon, comme j’ai raiſon moi-même