Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/269

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au gouverneur, lui dit ſon nom, ſa fuite, et ſon repentir, et le pria de le prendre ſous ſa protection pour obtenir ſon pardon. La protection du gouverneur commença par faire mettre en priſon le ſot recourant ; puis il écrivit au tribunal, lui demandant ce qu’il devoit en faire, et en conſéquence des ordres qu’il reçut, il lui envoya ce fugitif enchaîné, qu’il remit de nouveau ſous les plombs, où il ne trouva pas le comte Asquin, que, par pitié de ſon âge, on avoit envoyé aux quatre trois mois après mon évaſion. Cinq ou ſix ans après, j’ai ſu que le tribunal avoit envoyé hors des plombs mon ancien compagnon le reléguant dans le couvent de l’inſtitution, qui eſt bâti ſur une éminence près de Feltre ; mais il n’y demeura que ſix mois : il s’eſt enfui, et il alla à Rome ſe jetter aux pieds du pape Rezzonico, qui lui permit de devenir prêtre ſéculier. Il retourna alors à ſa patrie, où il vécut toujours dans la miſère, parceque ſans conduite. À mon retour à Veniſe il eſt venu me voir tout en lambeaux ; il me fit pitié, et j’ai fait pour lui tout ce que j’ai pu par foibleſſe de cœur, et non pas par vertu. Il finit ſes jours l’année 85.